Rodage et Entretien des cornets

Lors de la fabrication d’un cornet, je traite l’instrument à plusieurs reprises par immersion dans un bain d’huile végétale. Cette huile est constituée en majeure partie d’huile de lin et d’huile de noix. Ce sont toutes les deux des huiles siccatives, c’est à dire qu’elles ont la propriété de durcir au contact de l’oxygène de l’air. Cette propriété est utilisée dans de nombreux domaines depuis l’antiquité (fabrication de peinture et de vernis, traitement des bois et du cuir, savon noir, mastic…). Les parois du cornet sont ainsi saturées d’huile de lin qui siccative rapidement en surface, mais plus lentement en profondeur. Ce temps de séchage plus ou moins long selon les bois se poursuit pendant la période de rodage et de stabilisation de l’instrument.
Au contact quotidien du souffle humide et chaud du musicien, le bois huilé acquiert un nouvel équilibre hygrométrique, différent de celui qu’il avait dans l’atelier. C’est pourquoi, comme pour tous les instruments à vent en bois, il est important d’observer une période de rodage. Ce temps de rodage est à respecter également pour un instrument qui n’a pas servi depuis longtemps. Pendant le rodage certains cornets ont tendance à se « fermer » assez vite. Ce phénomène est normal et disparaît au bout de quelques semaines.

Temps de jeu pour un bon rodage :

– Pendant les 2 premiers jours 10 à 15 mn. Ne pas dépasser un total d’une demi-heure par jour.
– Les 10 jours suivants 20 à 25 mn. Ne pas dépasser un total d’une heure par jour.
– Les 15 jours suivants 30 à 45 mn. Ne pas dépasser un total de deux heures par jour.
Augmenter progressivement la durée du travail journalier. Le rodage ne doit pas être inférieur à 3 mois
Passer l’écouvillon dès que vous cessez de jouer et stocker le cornet à la verticale en le laissant s’aérer.

Les deux principaux ennemis du cornet sont la chaleur et l’humidité. Le phénomène de condensation provoqué par le souffle du musicien est accentué lorsque l’instrument est froid. Les pores du bois s’ouvrent au contact de la chaleur, et l’humidité rentre dans les parois du cornet. Il s’ensuit un gonflement du bois qui crée des tensions dans celui-ci et peut aller jusqu’à la fente ou au décollement des deux demi-perces. Lorsque l’humidité absorbée par le bois s’évapore, le bois se rétracte et se déforme (comme le ferait une éponge séchant sur le bord d’un évier). L’huile dans les parois du cornet sert à limiter le plus possible ces échanges. Malheureusement, on ne peut pas vernir ou cirer l’intérieur de la perce car l’eau de condensation ne s’évacuerait plus correctement et formerait des gouttes en surface.
Le bois d’un cornet est soumis à de rudes conditions et le traitement initial des parois doit être entretenu régulièrement. Sans nettoyage et huilage régulier, le bois risque de se dégrader au contact répété de l’humidité et de la salive du musicien. À l’extrême, des micro-organismes peuvent se développer au début de la perce de l’instrument et dégrader irrémédiablement le bois.

Pour éviter ces problèmes, il faut toujours bien laisser sécher la perce après avoir joué. Pour cela, il faut prendre l’habitude de retirer l’embouchure, passer un écouvillon le plus doux possible sans jamais forcer, et éviter de laisser le cornet à l’horizontale, sans quoi l’eau stagnera dans la perce et le bois risque d’absorber de l’humidité.
Il est préférable de ne pas enfermer l’instrument dans un étui étanche, mais de le laisser sécher à l’air libre. Si l’embouchure est coincée, ne pas forcer et attendre que l’instrument sèche pour la retirer.

Je recommande de huiler les cornets régulièrement. Le plus important avant de huiler la perce d’un cornet est d’attendre que l’instrument soit sec, sinon l’humidité se trouverait prisonnière à l’intérieur du bois. Ne pas le jouer pendant un ou deux jours, en le stockant à la verticale dans un endroit ventilé à l’abri du froid, et au sec…
L’huile sert à étanchéifier le bois du cornet. Dans l’idéal, utiliser de l’huile de lin ou de noix. Elle siccativera et le cornet ne sera pas gras. Lors de l’emploi de l’huile de lin, il faut veiller à très bien essuyer l’intérieur et l’extérieur du cornet à l’aide de bandelettes de coton enroulées sur une baguette fine en bois ou en plastique, sans quoi un film d’huile risque de fausser la perce. Les bandelettes de coton sont à usage unique, car l’huile va durcir et les transformer en toile cirée !
Pour un usage plus régulier et plus simple, l’huile d’amande douce, et à l’extrême toute huile végétale culinaire peut convenir. Mais, comme ces huiles ne sont pas siccatives, elles vont rapidement êtres expulsées des pores du bois à cause du souffle et des vibrations dans la perce. Le traitement sera à refaire plus régulièrement.
Le premier tiers du cornet (jusqu’au trou du pouce) est la partie la plus importante à huiler, et un trempage régulier est fortement recommandé.

Matériel nécessaire :

– Un récipient : il peut s’agir simplement d’une bouteille d’un litre munie d’un gros goulot, ou d’une bouteille en plastique dont le goulot est coupé. Pour tremper l’intégralité du cornet, un tube de PVC cintré à chaud ou un morceau de gaine annelée (comme celle se trouvant autour des arbres aux abords d’un chantier) conviendront très bien, à condition d’en boucher une extrémité…

– De l’huile végétale (750ml suffiront pour un cornet courbe). Huile de lin ou de noix pour les huiles siccatives, ou toute huile alimentaire.

– Des chiffons, du journal ou une bassine… une catastrophe est vite arrivée. Manipuler de l’huile au dessus d’une surface facilement lavable peut s’avérer pratique. Le bac de la douche ou la baignoire forment une bonne sécurité…

– Un écouvillon. Le plus simple est constitué d’une mince baguette de bois ou de plastique, autour de laquelle est enroulée une bandelette de tissu en coton. En enroulant plus ou moins la bandelette, le diamètre de l’écouvillon peut essuyer l’ensemble de la perce du cornet. Les écouvillons du commerce peuvent convenir (écouvillon pour basson, saxophone soprano, flûte…), mais leur usage est limité aux huiles non siccatives. Dans tous les cas, l’écouvillon servant à huiler le cornet doit être réservé à cet usage !

Marche à suivre :

Il est très important de bien laisser sécher l’instrument avant de le huiler, sans quoi l’humidité se trouverait prisonnière dans les parois du cornet.

Pour huiler rapidement un cornet, passer simplement un coup d’écouvillon légèrement huilé dans la perce.

Procéder par trempage partiel ou total pour un entretien plus approfondi. Le mieux est de laisser l’instrument une nuit dans l’huile. L’huile employée ne doit pas être trop froide sinon elle sera trop visqueuse (éviter le garage en hiver…). L’huile nourrit également le parchemin. Sortir le cornet et le laisser s’égoutter à la verticale quelques heures. Essuyer soigneusement l’instrument dedans et dehors. Laisser sécher le cornet.

Je recommande de tremper un cornet dans l’huile de lin au moins 4 fois par an, voir plus en cas d’usage intensif, et de compléter le traitement avec une application d’huile d’amande douce ou de noix dans le début de la perce au moins une fois par mois. Avec l’habitude, cette opération prend moins de 3 minutes.

L’huile de lin se trouve en qualité alimentaire ou en gros conditionnement au rayon bricolage. Il existe aussi des huiles pré-oxygénées à froid, ou biologiques. Dans tous les cas ne jamais utiliser d’agents siccatifs car ces composés sont nocifs.
Je n’ai jamais testé l’emploi d’huile minérale (huile de vaseline, de paraffine, ou huile pour perce à destination des instruments modernes en ébène…). Ces huiles « modernes » ne sont pas siccatives et ne me paraissent pas indiquées pour le traitement des cornets.

Pour finir, rappelez-vous que le bois n’est pas un matériau inerte et qu’il faut en prendre soin. Le soin apporté au traitement du bois est déterminant pour la réponse et la durée de vie d’un cornet.